La loi du 16 février 1791 institue un tribunal criminel dans chaque département. La composition de la juridiction, comme la procédure qui voudrait fractionner minutieusement le rôle des citoyens et des juges, sont très alambiquées. La condamnation des crimes a retenu toute l'attention des constituants, qui voulaient réprimer avec une grande sévérité tout en respectant les droits de chacun à la défense.
Les grandes discussions commencent dès le 26 décembre 1790. La loi est votée le 16 février 1791, mais n'est promulguée qu'en septembre 1791, en raison de nombreuses hésitations et amendements. Le tribunal criminel de l'Ain est effectivement installé le 16 janvier 1792.
Il est composé d'un président élu et de trois assesseurs, pris parmi les juges des tribunaux de Districts.
À côté des juges siège un jury de jugement composé de 12 jurés, citoyens tirés au sort sur une liste de deux cents, liste établie tous les trois mois par le procureur général-syndic du département (dans l'Ain Thomas Riboud), à partir de la liste de tous les citoyens actifs.
L'accusation est doublement soutenue par le procureur du roi, nommé à vie, et un accusateur public, élu comme les juges de districts.
La procédure criminelle
Elle se déroule en trois phases : une au canton, une au district, une au département. Elles sont bien séparées, mais l'une découle de l'autre.
Canton : une instruction préparatoire est faite sous la conduite d'un juge de paix, saisi soit par la victime soit par un tiers (droit civique). Cette première phase est entièrement dans les mains du juge de paix qui se rend sur les lieux du crime, dresse un P.V. des faits commis et reçoit les divers témoignages. Ensuite, soit il arrête la procédure, soit il décerne un mandat d'arrêt contre le prévenu.Ce travail du juge de paix correspond à la volonté de la Constituante qui est d'assurer des garanties aux citoyens, mais, en même temps, il constitue une réaction face aux manières des juges de l'ancien régime jugées, à tort ou à raison, trop arbitraires. On pense que le juge de paix a " le bon sens " et la " connaissance du terrain ".
District : la procédure d'accusation commence dès que le juge de paix transmet le dossier au juge du district qui tient le rôle de directeur de jury. Il a la responsabilité d'instruire le dossier devant un jury d'accusation composé de huit membres qui ont pour rôle d'examiner les charges énoncées dans l'acte d'accusation. Le directeur du jury entend les témoins hors de la présence de l'accusé. Il rend ensuite un non-lieu, ou renvoie l'accusé devant le jury de jugement au tribunal criminel.
Département : la procédure de jugement se déroule de la manière suivante :
Le président interroge l'accusé. Il procède à l'audition des témoins. La parole est donnée à l'accusateur public pour ses réquisitions. L'accusé se défend seul ou par l'intermédiaire d'un défenseur officieux. Après l'audition de la défense, les débats sont déclarés clos par le président. Le jury seul se retire pour délibérer uniquement sur la culpabilité. Son travail consistait à répondre aux questions : Les faits sont-ils établis ? L'accusé en est-il l'auteur ? Est-il coupable de les avoir voulus ? Si la majorité (10 voix sur 12) ne répond pas " oui " à chaque question, l'accusé est innocent. Dans le cas contraire, l'audience reprend avec les réquisitions du commissaire au roi, pour demander l'application d'une peine. Puis, seuls les juges se retirent pour délibérer sur la sanction pénale et reviennent en audience publique pour prononcer la sentence.
Les jugements du tribunal criminel étaient portés en appel devant les trois tribunaux les plus proches (Jura, Saône-et-Loire et Rhône), d'après le tableau annexé à la loi du 19 vendémiaire an IV (1L 125). En retour les appels des départements de l'Isère, du Jura et du Mont-Blanc étaient portés devant le tribunal criminel de l'Ain. On pouvait aussi avoir recours à la cassation pour violation de la procédure ou vice de forme.
Même si la procédure dédoublée paraît compliquée, il y avait un souci de montrer la séparation des pouvoirs. L'innovation de ce système est l'institution d'un jury, symbole de la liberté des justiciables, par rapport à l'ancien régime, affranchi. Le jury exprime la volonté d'un peuple souverain et non plus l'arbitraire de la monarchie absolue et des grands seigneurs. Les justiciables ont droit au jugement de leurs pairs.
Autre innovation : l'intime conviction des juges, grand espoir ou utopie. Le fait de s'en remettre à de simples citoyens, montrait que l'on avait une grande confiance en l'Homme. L'établissement des faits revenait aux jurés.
Sous la Convention, les commissaires du roi sont supprimés. Leur fonction sera réunie à celle de l'accusateur.
Il est désormais composé d'un président, d'un accusateur public, de quatre juges (pris parmi les juges du tribunal civil), d'un commissaire du pouvoir exécutif pris de ce même tribunal, d'un greffier et de douze jurés.
Le président, l'accusateur et le greffier sont élus par l'assemblée électorale. L'accusateur ne s'occupe pas de la poursuite directe. Il peut recevoir les dénonciations, les plaintes, mais doit les transmettre aux officiers de police judiciaire.
Le président du tribunal interroge l'accusé, les témoins et c'est dans cette phase seulement qu'on vérifie la régularité de la procédure.
Le tribunal est convoqué dans les 24 heures après vérification, pour se prononcer sur la légalité ou l'illégalité du mandat d'arrêt ou de l'instruction. S'il y a nullité, le tribunal ordonne de reprendre les choses à partir de cet acte nul.
La procédure devant le jury de jugement est très judicieusement prévue par le code de brumaire An IV, qui, en fait, reprend tous les principes de 1791.
Le nouveau code pénal
Il consacre la présomption d'innocence et la non rétroactivité de la loi pénale qui rend toutes les peines compatibles avec la faute. " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ", principe qui fut appliqué dans la loi du 6 octobre 1791. C'est le code des délits et des peines qui marque l'égalité des citoyens devant la loi pénale.
Elle supprime un certain nombre de crimes imaginaires : L'hérésie, le sortilège, la sorcellerie, la lèse majesté divine, l'inceste spirituel… Elle simplifie beaucoup l'arsenal répressif et en même temps institue un système de peines fixes.
Les juges ne peuvent plus librement puiser dans les peines coutumières pour sanctionner un délit, mais doivent appliquer la peine prévue par la loi, et dont la plus sévère est la mort.
Le Pelletier de Saint-Fargeot a fait la proposition de supprimer la peine de mort en la remplaçant par celle de la prison à vie (cachot obscur, pain sec et eau). Cette idée était approuvée par Robespierre. De son côté, Brillat-Savarin l'a farouchement rejetée, la trouvant trop cruelle. La peine de mort fut maintenue, mais on voulait qu'elle fût appliquée quels que fussent les condamnés ou leurs crimes. Ainsi on abandonna définitivement le bûcher, la roue, la pendaison, l'écartèlement à quatre chevaux. On voulait une seule et même manière, propre, rapide et efficace d'exécuter. On entendait parler du docteur Louis et de sa fameuse Louison, soutenu par Guillotin.
Le 19 juillet 1792, une guillotine conçue sur les plans de l'architecte Louis-Alexandre Reux de Lyon, et destinée aux exécutions du tribunal criminel de l'Ain, est commandée à deux artisans de Bourg. La lame est forgée à Saint-Amour.
Le 17 septembre 1792 : La guillotine du département de l'Ain est livrée à l'administration.
Les peines inférieures sont les fers, c'est-à-dire les travaux forcés (24 ans maximum), la réclusion, la déportation, la dégradation des droits civiques, les carcans (pour les femmes et les étrangers, puisqu'ils n'ont pas de droits civiques).